Les Guignols, une affaire d'Etat

2/10/2012, 2:32:08 AM dans Espagne

Depuis 4 jours, le journal des Guignols de l'info sur Canal + s'amuse des sportifs espagnols - d'abord Nadal, puis Contador - et des réactions que ces vidéos satiriques déclenchent chez les Espagnols (Voir: les Espagnols fulminent). Après la pétition de soutien à Contador signée à la seringue, une interprétation du grand classique Que viva España aux paroles revues et corrigées, diffusée hier soir, a certainement fait encore grincer des dents. Ce sont désormais les politiques qui s'emparent de la question.

Pour le dir'com des Guignols, Pascal Aznar - rien que son nom de famille fait frémir la moitié des Espagnols, mais il n'y est pour rien - "la caricature et la satire font partie de la tradition française". Il comprend que certains le prennent mal, reconnaît que c'est peut-être très franco-français, "mais c'est ainsi". Pensait-il que sur le plan de la satire, nos civilisations ne sont pas égales? En tout cas, sur celui du sport, si les Guignols en font autant c'est par admiration, explique-t-il. Diantre.

Côté espagnol, on voit la chose d'un autre oeil. L'ambassadeur en poste à Paris enverra un courrier à Canal +, a annoncé le Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération, José Manuel García Margallo, qui en connaît un rayon sur la diplomatie: c'est lui qui salue les eurodéputés britanniques d'un "Gibraltar ¡español!" quand il les croise. Un courrier donc, pour dénoncer le manque d'éthique, l'extraordinaire mauvais goût - ah ça, on ne peut pas le nier, le style franchouillard est inimitable - et les petits arrangements avec la vérité véhiculés par les récentes émissions des Guignols. On ne rigole plus, il est question d'argent: les victoires des sportifs espagnols sont très importantes pour la Marque Espagne qui n'a plus qu'eux et ses yeux pour pleurer dont ils sont "un actif" important. Au demeurant, argumente le ministre, il y a eu en 2011 plus de cas de dopage en France - 233 - qu'en Espagne - 171. Je peux le dire, je peux le dire? Si on ne cherche pas on ne trouve pas. L'Espagne est un grand pays grâce auquel Roland-Garros a retrouvé son intérêt (après réflexion, je voudrais bien pouvoir y retrourner, en Espagne).

L'ambassade de France en Espagne a de son côté publié un communiqué destiné à rassurer les Ibères: les programmes de Canal + ne ternissent pas l'enthousiasme et l'admiration que les Français ressentent pour les sportifs espagnols.

Pour sa part, c'est au Ministre des Sports David Douillet que le Conseil Supérieur du Sport (CSD) espagnol a décidé de s'adresser, pour rappeler qu'aucun Etat n'a mis en cause la propreté du sport espagnol, et qu'il prendra des "mesures précises" pour éviter toute atteinte à l'honorabilité du sport national. Brrr. Nul doute que Douillet, qui n'est pas en charge des programmes sur Canal ni membre du CSA, se sentira très concerné.

Parallèlement, le ministère du Sport espagnol a annoncé la prochaine adoption d'une loi antidopage, rendue nécessaire par la ratification par le gouvernement Zapatero du Code mondial antidopage. Assurément la meilleure façon de faire taire les railleurs. Sauf si les Espagnols se mettaient à perdre, bien sûr!