Ils sont appelés pour changer les serrures après une expulsion, afin que la famille délogée ne puisse pas réoccuper ce qui était son logis. Parfois, ils doivent aussi ouvrir la porte pour permettre l'évacuation des lieux. A raison de près de cinquante mille expulsions pour les trois premiers trimestres 2012 - plus de 180 par jour! -, cet aspect de leur activité se développe fortement. En Navarre, les sept cents expulsions recensées par la Plateforme des victimes des crédits immobiliers cette année ont généré près de 10% du chiffre d'affaires des serruriers.
Pourtant, ils ne veulent pas manger de ce pain-là. Rencontrer les familles qu'ils contribuent à laisser à la rue a marqué psychologiquement plus d'un serrurier, et les quinze entreprises et indépendants de Pampelune ont décidé de cesser de collaborer avec les huissiers, qui devront faire appel à des professionnels extérieurs à la ville. Depuis le 14 décembre, aucune expulsion n'a eu lieu dans la capitale navarre, mais les banques ont décrété une sorte de trêve informelle pour la période des fêtes - il n'existe pas en Espagne de trêve hivernale durant laquelle les expulsions seraient interdites, comme c'est le cas en France.
Les serruriers de Pampelune cherchent maintenant à rallier à leur résistance passive d'autres professions liées aux exécutions de justice, tels les huissiers, les secrétaires, les juges et les policiers. Au niveau national, l'Union des Serruriers de Sécurité, qui regroupe trois cents entreprises, refuse de participer à des expulsions d'une "extrême gravité", c'est-à-dire lorsque la famille n'a nulle part où aller.