Le Guatemala demande le pardon de la famille Árbenz

10/20/2011, 3:08:33 PM dans Amérique

Ce 20 octobre, le président Álvaro Colón va demander, au nom de son pays, le pardon de la famille Arbenz. Suite au coup d'Etat de 1954 contre le président démocratiquement élu Jacobo Arbenz, celui-ci avait dû fuir le pays avec sa famille, en abandonnant tous ses biens. L'histoire officielle va enfin être réécrite, rapporte BBC Mundo.

Jacobo Arbenz devint président en 1951, et entreprit de poursuivre et d'approfondir la politique réformatrice de son prédécesseur Juan José Arévalo Bermejo. Il légalisa en 1952 le Parti Guatémaltèque du Travail, d'obédience communiste, et s'attela à lancer deux mesures politiques révolutionnaires: la nationalisation des richesses guatémaltèques et une réforme agraire, dans un pays où 2% de la population détenait 72% des terres du pays. Une bonne partie de celles-ci appartenaient en outre à des entreprises étrangères, en particulier la United Fruit Company, puissante multinationale de la banane présente en Amérique Centrale et à Cuba.

Si l'expropriation des terres ne concernait que les terres arables non exploitées, la UFCo n'en considéra pas moins ses intérêts comme fortement menacés: des 234.000 hectares en friche qu'elle possédait, 84.000 furent expropriés. Faisant jouer ses relations dans le milieu politique états-unien et à la CIA, inquiets des velléités "communistes" du petit voisin, la UFCo reçut alors une aide inestimable. Une armée mercenaire de quelques milliers d'hommes - équipés par les Etats-Unis et entraînés au Nicaragua et au Honduras sur des terres de la UFCo - envahit le Guatemala et déposa Arbenz au profit du colonel Castillo Armas, un officier de bonne moralité (comprendre: anticommuniste et formé à l'Ecole militaire des Amériques). Celui-ci annula la Constitution de 1945 ainsi que les politiques de ses prédécesseurs, pour la plus grande satisfaction des Etats-Unis et de la UFCo.

Cet épisode est considéré comme "l'un des points culminants de la guerre froide en Amérique Latine", selon les termes d'Arturo Taracena - membre de la Commission d'Eclaircissement Historique du Guatemala - et marque également la première intervention états-unienne via une armée mercenaire sur ce continent.

La substitution violente d'un président populaire - élu avec 60% des voix - par un dictateur peu apprécié et qui mourrait assassiné par un de ses soldats en 1957 est désormais perçue comme l'origine de la guerre civile qui débuta en 1960 et dura jusqu'en 1996. Le pays ne s'est toujours pas remis de cette violence; les inégalités et l'insécurité qui y règnent sont donc en partie les fruits de la politique étrangère des Etats-Unis dans les années 50.

La figure de Jacobo Arbenz va donc enfin être réhabilitée, les manuels d'histoire réécrits pour lui redonner sa place, sa biographie remaniée, et son nom donné à une route qu'il avait fait construire. Pour la Cour Interaméricaine des Droits de l'Homme, ces étapes sont nécessaires au processus de réconciliation nationale qui permettrait au pays de panser enfin ses blessures.