Il y a 20 ans, la dollarisation de l’Equateur

1/9/2020, 4:00:00 PM dans Amérique

Dans un contexte de grave crise économique et sociale, l'Equateur abandonnait sa monnaie pour le dollar américain.

Le 9 janvier 2000, le président Jamil Mahuad prononçait une allocution télévisée pour annoncer au pays une importante décision : “je suis arrivé à la conclusion que le système de dollarisation est un système approprié et nécessaire pour l’Equateur.”

Mais... pourquoi ?

En version très courte (El Comercio vous offre la version longue). Mal géré, hautement corrompu, le pays avait particulièrement souffert en 1998 des effets d’un violent Niño (phénomène climatique périodique) qui avait provoqué des inondations et des glissements de terrain ; 60% de la population en avait été affectée. La même année, le prix du pétrole brut, qui représentait alors 45% des exportations, s’effondrait. Accessoirement, le pays trouvait le moyen d’être en guerre territoriale contre son voisin péruvien. Et en août, le président Mahuad prenait ses fonctions.

Dans un contexte de hausse conséquente du déficit public, l’Etat volait tout de même au secours de banques privées ayant accordé des créances douteuses, sauvetage qui coûtera six milliards de dollars aux Equatoriens, et n'empêchera pas plusieurs banques importantes de faire faillite.

L’inflation explose, les capitaux fuient ; en mars 1999, pour faire face à la grave crise bancaire, le gouvernement décide du gel des dépôts supérieurs à 500 dollars pour une durée d’un an. Avant d’annoncer neuf mois plus tard la dollarisation, avec un taux de change fixé à 25 000 sucres, pour un dollar américain.

Le rapport étant de 5 000 sucres pour un dollar avant le gel des dépôts, l’opération fut particulièrement profitable pour les grands débiteurs en monnaie nationale, et écrasante pour les travailleurs, les retraités et les petits épargnants.

Les vertus du dollar

La vision économique d’alors (encore assumée aujourd’hui par une partie des médias, dont El Universo) est que l’adoption de la monnaie états-unienne cumule les avantages : réduction de l’inflation, croissance du PIB, attractivité pour les investissements directs étrangers, amélioration de la crédibilité d’un pays largement corrompu (je ne vous cache pas que là, je ne vois pas).

Et comme le dit CNN Mexique, la preuve que c’est bien, c’est qu’aucun gouvernement n’est revenu dessus. Présenté comme ça...

Mahuad renonce

Curieusement, la population ne prend pas la chose du bon côté, et les mobilisations qui avaient déjà marqué toute l’année 1999 s’intensifient. La Confédération indienne prend les rues de Quito et avance vers l’Assemblée Nationale, soutenue par quelques colonels. Si ça vous rappelle de récents événements (sans les colonels), vous marquez un point et avancez de trois cases.

Le 21 janvier, les forces armées retirent leur soutien au président (ce qui n’est pas arrivé dans le cas de Lenín Moreno ; à son voisin Evo Morales si, en revanche) et celui-ci abandonne pouvoir et palais présidentiel.

Avant la fin du mois, le Congrès approuve une période de six mois pour procéder au retrait du sucre et à l’adoption du dollar comme monnaie unique.

Suggestion de lecture : Stratégie monétaire des économies émergentes : les écueils de la dollarisation, de Jean-François Ponçot, économiste de l'université de Grenoble.

Crédits photo : Paulo JC Nogueira