Le Honduras et le père Ubu

7/7/2009, 5:04:00 PM dans Amérique

Le nouveau pouvoir au Honduras cherche désespérément à se légitimer. Et il est très inventif. Dernier argument en date? s'il n'y avait pas de président, il n'y aurait pas de coup d'Etat, ce qui donne ceci: 'Manuel Zelaya n'était plus président du Honduras le dimanche 28 juin, en conséquence de quoi il n'y a pas eu coup d'Etat.' Ce qui rappelle bigrement la conclusion du Père Ubu: s'il n'y avait pas de Pologne, il n'y aurait pas de Polonais.

Suivre l'actualité dans et hors du pays est de plus en plus fascinant. Si on en croit la presse nationale, tout est tranquille, dormez braves gens; le nouveau gouvernement vous protège des méchants ex-présidents en ne les laissant pas atterrir, ce qui est bien dommage car les Honduriens auraient pu arrêter eux-mêmes Zelaya, ça aurait fait faire des économies à Interpol (à qui ils ont demandé de publier un ordre international de capture de l'ex-chef de l'Etat). Comme quoi ils n'ont pas de suite dans les idées. Ou peur de manquer du pétrole que le Venezuela de Chávez leur fournissait jusque là. Mais tout de même, Zelaya est déchu, il devra donc répondre de ses actes devant les tribunaux ordinaires, et fermez le ban.

A l'étranger, curieusement, on voit la situation de façon un peu différente. L'envoyé spécial de El País, Pablo Ordaz, ne s'est pas encore remis de ce dont il a été témoin et notamment de la mort du jeune Isis Obed Murillo, 19 ans, dans ce 'coup d'Etat qui ne veut pas dire son nom'. 'Mais oui, c'est un coup d'Etat, bien sûr que c'est un coup d'Etat. Si ceci n'était pas un coup d'Etat, Micheletti ne serait pas assis à présent au Palais Présidentiel, le corps d'Isis ne serait pas étendu à la morgue de l'Hôpital-Ecole et cette chronique ne devrait pas être écrite en plein milieu d'un couvre-feu', écrit-il.

En Argentine, Página 12 n'y va pas non plus par quatre chemins: 'Dix jours après avoir usurpé le pouvoir, la dictature hondurienne est revenue à la charge dans sa tentative pour se faire entendre à l'extérieur et chercher un peu de légitimité. Après avoir mitraillé sa population et assassiné deux personnes quand des milliers de Honduriens attendaient à l'aéroport le retour manqué du président légitime Manuel Zelaya, le régime de fait a envoyé hier à Washington une mission...'

La Jornada (Mexique) revient pour sa part sur deux points: l'arrestation de plus de 800 manifestants, et les débuts très diplomatiques du nouveau ministre des Affaires Etrangères. En vrac? 'Zapatero a tus zapatos' (au moins il a de la culture), renvoyant le président du gouvernement espagnol, dont le nom signifie savetier, à ses chaussures et pour l'équivalent français, à ses oignons; du Salvador, il a finement dit que c'était un pays tellement petit qu'on en pouvait même pas y parler football (ah, les péquenauds!! ça c'est l'injure suprême) parce que le ballon était tout le temps dehors. Mais en haut du classement on mettra quand même son opinion sur Obama: 'ce petit noir qui n'y connaît rien'. Et bien le bonjour à votre dame. Moi, je dis ça je ne dis rien, mais faut pas s'étonner si le département d'Etat américain ne veut pas recevoir la délégation.

Pour conclure, je vous invite à lire un billet de Yann Leroux sur Psy et Geek: du rôle des réseaux sociaux dans le maintien des dictatures, pour peu que ce soit pris en main par des gens compétents (c'est toujours mieux de travailler avec des gens compétents. Si je vous parlais du CIRM... non, un autre jour).

On en parle dans la presse francophone: Courrier International et Le Monde.