Crucifix à éclipses dans les classes espagnoles

12/15/2009, 5:27:00 PM dans Espagne

On trouve des crucifix dans les classes de nombre d'établissements espagnols d'enseignement public, où leur présence fait périodiquement débat. Un mois après une décision de la Cour Européenne des Droits de l'Homme, qui préconise le retrait des crucifix dans les classes italiennes, le Tribunal Supérieur de Justice de Castille et Léon vient de rendre un jugement édifiant: on pourra retirer et remettre les crucifix dans les salles selon les cours.

Voilà assurément 'una decisión salomónica', comme disent les Ibères, une décision digne du jugement de Salomon; lequel, face à un enfant dont la maternité était revendiqué par deux femmes, enjoignait de couper le petit en deux et d'en donner la moitié à chacune (Premier Livre des Rois, 3, 16-28).

Là, c'est une variante qui prévaudrait: on ne coupe pas le crucifix en deux (ça serait pourtant drôle! et puis, on doublerait les moyens disponibles...), mais on peut envisager de le retirer pour certains cours et pas pour d'autres.

Ce qui fera certainement très plaisir au personnel chargé de le décrocher, le raccrocher, le redécrocher, ad libitum. Autre petite question pratique (je suis bassement matérialiste, je sais): que fait-on du crucifix pendant le cours auquel il n'a pas droit de présider? On le met avec les craies et l'éponge? Sur le bureau du prof? Dans un placard? Non, parce qu'il y a des catholiques pratiquants que ça va révulser...

Pour revenir sur le fond, l'Espagne a censément établi la liberté religieuse en 1980 par une loi organique, reprenant la proclamation de la liberté de culte énoncée dans la Constitution de 1978. Depuis lors, l'Eglise catholique espagnole bataille pour ne pas perdre son pouvoir spirituel (là c'est mal parti: autour de 75% de catholiques déclarés, mais de moins en moins de pratiquants) et surtout temporel (gros lobbying dans les questions de société, très gros avantages fiscaux concédés par les gouvernements tant de droite que de gauche...). Le gouvernement espagnol a d'ailleurs indiqué début décembre que le retrait systématique des crucifix n'était pas à l'ordre du jour.

Pas question donc de renoncer comme ça à la présence de crucifix dans les établissements publics (à quel titre, je ne vois pas bien, certainement l'identité nationale?). Cela doit certainement favoriser le développement intellectuel de l'enfant et contribuer à son meilleur apprentissage. A titre personnel et au vu des articles parus dans la presse sur les conditions d'enseignement dans notre beau monde moderne, je pense qu'un brouilleur de téléphones portables serait probablement plus utile, mais ouf! personne ne me demande mon avis.

Au passage, la question (du crucifix, pour les portables je ne sais pas) se pose aussi au Portugal.